• Existes-tu, mystérieuse Éloïse ?

    Que dois-je faire pour que je te lise ?

    Pitié ! Ne me demande de subir

    Le sort malheureux d'un amant martyr.

     

    Je ne veux pas être amant qu'à demi,

    Ne pas me voir des parties départi :

    Le destin du malheureux Abélard

    Ne se compense pas même par l'art.

     

    Es-tu masque ? N'es-tu que virtuelle ?

    Faut-il alors que je coure après celle

    Qui me fait douter de sa vérité,

    Quand je ne connais son identité.

     

    J'aurais pu quelques secondes durant,

    Y rêver, à l'avenir souriant…

    Mais ma vie n'est que spes interrupta.

    J'aurais aimé pourtant qu'elle existât.


  • On a dépoétisé le monde, enlaidi.

    La vitesse, les chiffres, l'industrie, l'argent

    Ont colonisé les espaces, les esprits.

    Entre l'homme et le monde on a mis des écrans.

    On a fait croire qu'il fallait accumuler,

    Acheter, remplacer ; on a créé des manques,

    Besoins factices et désirs renouvelés.

    Il fallait inventer le crédit et les banques.

    Oubliés les péchés, restent les capitaux.

    La finance a étendu son total empire 

    Sur les hommes ; ses caprices dictatoriaux

    Conduisent désormais l'humanité au pire.

    Notre hôtesse Nature nous prévient pourtant,

    Elle nous envoie des signes désespérés.

    Nous préférons danser sur l'irrité volcan,

    Feignant de ne voir la chute s'accélérer.

    Les accapareurs égoïstement insistent

    Dans la voie qui mène à l'anéantissement,

    N'ayant pas d'autre projet que capitaliste,

    Qui pourtant condamne à mort leurs propres enfants ;

    Après eux qu'importe le déluge fatal :

    Ils l'auront eue leur vie de luxe et de luxure,

    Et ces nouveaux et désastreux Sardanapale

    Mourront l'esprit tranquille et la conscience pure.


  • Et si demain était heureux, et si j'allais

    Rencontrer bientôt comme une récompense…

    Non, chasser cette idée, il ne faut que j'y pense :

    Le charme de l'inattendu nie les regrets.

     

    Le destin n'existe pas, n'a pas de secrets,

    Il n'est pas non plus de chrétienne Providence, :

    Le bonheur, le malheur, c'est affaire de chance.

    Qui dira si j'eus le sort que je méritais ?

     

    Inutile, inepte, cette vaine question :

    La vie est bien telle que nous la percevons,

    L'avenir est incertain, bête l'horoscope.

     

    « Peut-être » est un mot dur, dépourvu de beauté,

    « Qui sait ? » me suffira, je vais m'en contenter,

    En imitant la sagesse de Pénélope.


  • De l’exécution de l'homme en rouge je rêve

    Comme dans l'ancien temps sur la Place de grève.

    Faut en finir avec son sourire niais, 

    Sa tignasse blanc sale dessous son bonnet, 

    Sa barbe hirsute de vieillard libidineux,

    Ses yeux faussement malicieux plutôt vicieux,

    Et ce rouge flachi flacha coca cola,

    Pâle copie de notre bon Saint Nicolas,

    Ses propos gagas aux gamins gogos crétins:

    "Dis, petit, fus-tu sage, as-tu bon bulletin?"

    De quoi se mêle-t-il? Faut-il subordonner

    Les notes au cadeau qu'il va bientôt donner?

    Vision mercantile où tout est valeur d'échange 

    Pour préparer à l'économie nos chers anges.

    C'est ainsi qu'insidieusement l'on fabrique

    Les croyants des théories capitalistiques, 

    Ne connaissant de valeurs que celles des cours, 

    N'espérant que de la croissance le retour.

    Quand vient celui de la sainte fête chrétienne, 

    Ils ressortent leurs rouges vêtures anciennes,

    Lobotomisent les pauvres progénitures

    Mettant au pied de l'arbre tué leurs chaussures.


  • Comme le chevalier de Cervantès Miguel,

    Qui arpentait rossinantesquement la Manche,

    Qui respectait le saint office du dimanche,

    Et pensait sans cesse à sa dulcinée belle,

     

    Je combats vaillamment de grands moulins à ailes,

    Priant les Cieux que ces laideurs sur le sol flanchent, 

    Préférant à leurs pales des arbres les branches.

    Sortez de mon pays, dis-je Guillaume tel!

     

    Mais l'époque se voue à la modernité,

    Mais l'épique s'avoue vaincu, découragé.

    La beauté n'est pas économique, rentable.

     

    Je ne reverrai pas plus le monde d'hier

    Que ma belle inaccessible étoile de chair.

    Je me contenterai de rêver l'improbable.





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