• Roman qui tient par sa forme et son ton. Au cœur thématique, le jeu pianistique, en particulier celui des Variations Goldberg, que Gould, ici personnage, a rendues célèbres. Logorrhée d'un narrateur qui restitue des pensées, obsessives, déployées à la manière, je le suppose, de la composition musicale en question. Si c'est bien le cas – un musicologue-lecteur pourrait confirmer cette mienne intuition - , exercice plein de maîtrise et d'audace où il s'agirait de trouver une équivalence verbale d'une pièce musicale particulière : des annonces, des reprises, des répétitions-variations, style spiralé dont certains mots ou expressions équivaudraient à des notes, des groupes de notes, des rythmes, de modalités. Le récit avance ainsi par reptation, par touches successives, par ajouts, par retours, un nouvel élément venant s'installer entre d'autres déjà évoqués et répétés ou nuancés.

    Comme beaucoup de romanciers du XXe siècle, Bernhard, choisissant la forme du monologue intérieur, intègre les propos et pensées des tiers personnages, de manière habile, forcément indirecte, et originale, ajoutant par le biais d'expressions, comme « pensai-je », « c'est lui (elle) qui parle », une forme de lancinance qui contribue à unifier le tout, comme une basse continue.

    Belle réflexion incarnée aussi sur le rôle de l'interprète, sur son génie, sur les relations interpersonnelles d'amitié-rivalité entre trois hommes très proches, et très lointains : trio, duos, et le piano avec lequel les relations sont tout aussi complexes : attrait-répulsion. La mort est aussi omniprésente : celle de Gould, et le suicide de Wertheimer. Ces sujets sont savamment emmêlés, ainsi, par exemple, le narrateur mène une sorte d'enquête sur les derniers jours de son ami.

    On trouve aussi des réflexions sur la médiocrité ordinaire, dans tous les milieux, bêtise ou cynisme, il est vrai qu'en ce domaine les romanciers de toutes les époques n'ont qu'à observer, tant la permanence humaine évolue peu. Reste à l'artiste de la restituer et de la racheter par l'art de l'écriture.


  • Doit-on dire l'année s'achève ou m'achève?

    Avec elle mes espoirs et mes rêves.


  • Pas d'immunité – Rechutes douloureuses,

    Pas d'efficacité des vaccins,

    Retours incessants de la fièvre amoureuse,

    Exaltation qui toujours revient.

     

    Le cœur qui bat comme des cloches furieuses,

    À toutes volées aux clairs matins,

    Mais succédant à ces secousses fiévreuses,

    Sonne monotone un glas sans fin.

     

    Au catafalque mon âme malheureuse,

    Victime de l'injuste destin,

    Le saint encens s'élève en volutes fumeuses

    Vers le ciel, quel est donc ce chemin ?

     

    Je chasse cette vision calamiteuse ,

    Je veux vivre encore même atteint :

    Viendra le jour sublime où ma muse heureuse

    Me saisira doucement la main.


  • Je sais que ne sont que de luxe mes misères,

    Ce n'est pas pour autant qu 'elles ne sont sincères…


  • Hélas, je le connais cet état d'agueusie :

    Plus rien n'a de saveur, vie sans aucune envie,

    Le cœur brouillé, les yeux mouillés, l'âme malade…

    Espérer nuit, cruelle la désescalade.

     

    Subir les conversations futiles des gens :

    Gilets jaunes, Benalla, leurs soucis d'argent,

    Feindre l'intérêt pendant que mon âme saigne,

    Dans ce monde où la bêtise hypocrite règne.

     

    Que faire de ces jours inutiles qui viennent ?

    Répondre « ça va » à tous ces « ça va », la peine

    Devant rester muette face à ces heureux,

    Sourire de circonstance entendant leurs vœux .

     

    Je dois faire obéir mon corps aux politesses,

    Pendant que ma pensée subira la détresse…

    Je crains de ne pouvoir l'épreuve supporter.

    Laissez-moi seul, rien ne peut me réconforter .






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