• Laisse-moi poser mes lèvres là tu sais où:

    Angle en rondeur courbe douce entre nez et joue...


  • Il dirige l'état le plus puissant du monde.

    Sa bêtise défie n'importe quelle sonde.


  • Bel exercice de critique philosophico-littéraire qui fait rêver d'un Sartre qui eût été moins idéologue et systématique. Ici les thèses sont nettes, elles sont familières à qui fréquente le penseur mais la sensibilité de lecteur est intelligente malgré tout. Nous retrouvons aussi l'auteur des Mots qui voit en Baudelaire un autre lui-même : comme Hugo quand il consacre un ouvrage à Shakespeare, et qui parle plus de lui que du sujet étudié. Cependant l'approche proposée par Sartre est une analyse fine et éclairante, elle permet de relier des textes à la personnalité profonde de son créateur. Le danger étant, outre de faire de Baudelaire un miroir, le risque du systématisme : comment expliquer en moins de 250 pages le mystère d'un être aussi complexe et torturé qu'était l'auteur des Fleurs du Mal ?

    La thèse : Sartre refuse de plaindre le sort de l'homme Baudelaire, certes il a connu des malheurs, mais il les a voulus, il en avait besoin pour nourrir son imaginaire et son œuvre, traduction d'une relation particulière à lui-même, aux autres, au monde (les objets, la Nature, …). Sa vie, et ses marasmes, ses douleurs, il les a choisis, il en a fait sa destinée, et ce sont les chocs ressentis qui lui ont permis d'accéder à la conscience de soi, de sa différence, de sa solitude, de son élection. Il connaît sa dualité, il la cultive, et tente de l 'exprimer pour y accéder ou parce qu'il y accède. Il se regarde éprouver l'Ennui, il se regarde regarder le monde et sa vanité, et rêver un autre monde, spiritualisé, qu'il envisage caché sous le monde ordinaire, celui que les hommes voient. Il a le sens de l'infini et il subit en conscience sa condition bestiale. Son vertige est issu de son sentiment d'être libre, en n'acceptant pas les lois morales toutes faites, ni celles de la nature, aux quelles il ne croit pas, mais dont il a besoin pour y opposer sa révolte, comme la morale commune lui est nécessaire pour lui permettre de la violer. Cependant, il a hérité d'un sentiment de culpabilité, qu'il fouille, approfondit. Il a besoin d'être puni pour pouvoir se plaindre des châtiments subis et acceptés. Il est resté enfant, adolescent, sa mise sous tutelle lui a été une bénédiction : elle lui permettait de regimber contre elle et ses acteurs. Les autres le condamnent, ce qui fait de lui un élu. Faire le mal, c'est exercer sa liberté, c'est regretter, éprouver du remords par anticipation, mériter d'être pardonné, répondre au besoin d'être haï : Baudelaire se veut coupable ; sans faute est conscience de la commettre, il n'est de rachat possible. Il ne saurait être heureux.

    Il est déchiré entre être et exister, veut être dans ces deux relations à lui-même à la fois. Il veut se créer lui-même, n'être le fils que de lui-même ; les poèmes sont du côté de l'existence exprimant son essence. Il veut être le seul responsable de sa vie.

    Sa haine de la Nature s'explique par un refus d'une puissance qui roule de ses propres lois, qui s'auto-engendre sans justification, qui envahit tout, et qui conduit à assouvir des besoins vulgaires. Même l'inspiration demande à être dénaturalisée : l'artifice poétique, l'effort technique de l'expression, sont à l'élan créateur ce que le dandy est à l'homme commun. Le refus de la luxuriance naturelle se traduit également par le culte de la froideur et de la stérilité, par sa relation aux femmes : frôler plutôt que pénétrer, désirer de loin plutôt que consommer.

    Le dandy choisit ainsi ses propres lois, il ne prétend aucunement renverser l'ordre social, il se surveille constamment, et met de cette manière de l'art dans sa vie. Il veut être l'ultime éclat d'une société décadente, qui se décompose. Il se sait observé, et feint de l'ignorer, et il envoie un message aux hommes : oui, c'est moi qui suis coupable, j'assume et revendique ma déconsidération à vos yeux, cet homme que vous voyez est un masque qui n'est pas moi, et qui est moi. Cela lui permet aussi de s'auto-mythifier. Baudelaire se regarde depuis sa mort, refait son passé, le contemple, seul endroit stable, rassurant, là où son être était fixé comme à jamais, alors que le présent et l'avenir sont instables et incertains. C'est la mémoire qui fait resurgir ce passé revisité, avec ses parfums, ses souvenirs, ses impressions : exister s'efface au profit d'être, part spirituelle qui demeure. La Poésie suggère cette quête, revivifie, le lointain devient proche, mais cette proximité recherchée entre être et exister ne peut être que de l'ordre de l'effleurement, jamais de l'atteinte, volupté du désir inassouvi.

    Sartre résume (p.243) : « Cette vie misérable qui nous paraissait aller à vau-l'eau, nous comprenons à présent qu'il l'a tissée avec soin. »

    Baudelaire aurait donc bâti sa destinée, depuis ses choix libres.

    On le voit, c'est brillant, mais c'est systématique et le Poète est l'occasion pour le philosophe de mettre à l'épreuve ses théories, et cela fonctionne. Mais comment prétendre retrouver l'intériorité vraie de l'autre. La manie explicative, autobiographique (Baudelaire, un autre moi-même) et idéologique peut lasser par sa prévisibilité. C'est plus intelligent que sensible.


  • La vie c'est - note amant - séparer les vivants:

    Je t'ai donné mon cœur, a battu, fut battant.


  • En quête de peau lisse, mise en examen

    Pour des lits majeurs, avec de courantes mains.