•  

    Ni roman, ni autobiographie, ni journal, mais comme Jouhandeau l'intitule lui-même, des « chroniques » : récits de souvenirs probablement, sous des formes variées, liés à la vie commune qu'il a connue avec celle qu'il nomme « Élise ». J'avais extrait ce volume au hasard de ma de ma bilblio-quête : quels sont les livres que je n'ai pas encore lus, ou que j'ai envie de relire ? Curieusement, je clapote dans le marécage conjugal, après l'En ménage de Huysmans (voir plus haut, ou plus bas, c'est selon). La vie de mari est inspiratrice à l'ère où bien des femmes-épouses deviennent insupportables. Satisfaction mienne de voir exprimées des vicissitudes par moi vécues : j'ai reconnu au travers d’Élise une certaine femme que j'ai longtemps fréquentée et dont je m'aperçois maintenant qu'elle n'était qu'une réincarnation. Ce type de femmes qui finissent par vous faire aimer la solitude tant les vexations répétées et diverses, la capacité à vous pourrir chaque instant de votre vie par leur méchanceté, leur hystérie, leur insatisfaction permanente, leur mauvaise foi, leur perversité, leur violence, leur mesquinerie, leur incapacité au dialogue, donnent envie de fuir. Ces femmes appartiennent à un type assez répandu : elles sont soucieuses de leur réputation, de ce qui se dit d'elles, et ne supportent pas qu'on les renvoie à leur vérité, qui consiste à transformer leurs qualités en défauts plus qu'irritants.

    Avant les Chroniques maritales proprement dites, l'édition du Livre de Poche place Élise, comme une sorte d'ouverture. L'auteur la fait parler à la première personne dans une succession de passages plus ou moins autonomes et titrés, souvent liés à un épisode de l'enfance. Élise se raconte, assume son cynisme et ses malfaisances de chipie, ses mensonges calomnieux (elle accuse ainsi deux jeunes garçons d'exhibitionnisme, alors que c'est elle qui s'y était livrée). Elle se présente en victime, notamment d'une éducation trop rude. Les portraits sont campés avec aigreur : les religieuses, le grand-père, le curé Perdriat, qui rappelle Maître Blazius, ses tantes, … Certains passages, notamment celui de la défloration, peuvent permettre de comprendre que sa personnalité a été profondément affectée par une jeunesse douloureuse ; il lui a fallu se forger une carapace, se méfier, se défendre.

    Les Chroniques proprement dites commencent p.62. Une première série s'achève p.238, et sont suivies, p.239 à 430, de « Nouvelles chronique maritales », tant l'inspiration semble prolixe. Pas d'organisation chronologique, mais des regroupements thématiques plutôt lâches (l'argent, les domestiques, la tenue de la maison, les rencontres, le quotidien, des conversations, etc.). Tout tourne autour d’Élise, de ses paroles, ses attitudes, sa vie de tous les jours. Ce qui la caractérise, c'est sa peur d'être dupe, son avarice, ses conduites contradictoires et versatiles, son égoïsme, qu'elle prend pour de la charité (quand elle donne, c'est pour qu'on la voie donner), son incompréhension à l'égard de son mari, ses manies (celle de la propreté par exemple), elle est rusée, violente, vexante, manie le sous-entendu insidieux avec dextérité. Le narrateur-mari ne se sent plus chez lui, il subit douloureusement une guerre quotidienne, un rapport de forces épuisant. « Tout pour elle n'est toujours l'occasion que de reproches » (p.406). Ce sentiment de dépossession de soi s'immisce jusque dans ses relations avec la nature, et avec ce qu'il a de plus personnel : « Ma vie n'est plus à moi, mais mon âme ? »

    Quelle attitude adopter face à une telle furie (« Elle se rend odieuse comme à plaisir », p.387) ? Il se reconnaît lâche : « Qu'y a-t-il en moi pour que je sois si veule ? », se trouve des raisons de rester avec elle, adopte un stoïcisme devant cette douleur permanente. C’est une variété de relations qui se succèdent, outre celle du couple, on assiste à des entretiens savoureux entre la mère et la fille, lui et sa mère, et sa belle-mère, Élise et la sienne, et tous ceux qu’Élise a l'occasion de faire souffrir : ses amies, ses domestiques, sa dame de compagnie, « son » clochard, qui lui permet de manifester une fausse générosité, un jeune homme, André, qui est peut-être son amant, les membres du clergé, en particulier le père N., avec qui elle a d'étranges dialogues.

    Les modes narratifs sont variés : extraits de journal intime, méditations a posteriori, récits au présent de narration, dialogues présentés sous forme théâtrale, alternances entre anecdotes et réflexions. La deuxième partie revient sur des aspects déjà abordés dans la première, souvent les épisodes sont antérieurs dans la chronologie : il est ainsi longuement question de la période des fiançailles, et la thématique religieuse est omniprésente : Élise se veut chrétienne, et veut que cela se sache : elle accueille des miséreux, mais finit par les chasser, elle se dit chrétienne mais est coquette, elle voudrait devenir sainte sans être douée pour l'amour du proche et du prochain.

    Le narrateur reconnaît ses propres contradictions, il s'interroge sur la nature du lien qu'il a avec elle. « Je l'admire ; j'admire en elle de trop près sans doute ce qui m'est le plus étranger au monde et je m'étonne d'en souffrir ? » (p.92). Il dit l'aimer, être inspiré par elle, mais pas comme une muse, plutôt comme un objet de curiosité, il semble vampirisé, et malgré sa lucidité, ne sait s'en détacher : on pense à Des Grieux et sa Manon. Elle lui permet, à cause de son envahissante présence, de ses comportements fantasques, du fait qu'il ressent l'impression de ne pas la connaître malgré les relations conjugales, de mettre en questionnement des notions comme celles de l'intimité et de la nudité « L'alcove », p.150 à 154.

    « Élise est ma femme et sans doute aucun de mes amis, aucun des membres de ma famille, aucun de mes propres membres ne m'est plus intime qu'elle, mais si proche de moi que soit la place qu 'elle s'est faite et que je lui ai faite dans mon univers le plus privé, si enracinée qu 'elle soit à l'inextricable tissu de ma chair et de mon âme (et c'est là tout le mystère et tout le drame de notre indissoluble union), l'inconnu qui passe en ce moment sur le boulevard et que j 'aperçois à peine de ma fenêtre, quel qu'il soit, humainement m'est moins étranger qu'elle. » (p.387)

     

    « L'irréparable, c'est de soupçonner qu'on a été dupé par ce qu'on aime. » (p.62)


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    Je vous aurais donné

     

    Mon corps beau

    Mon Corneille

    Mes dicos

    Mes sires hauts pour l'atout

    Mon 'tit piton

    Ma fesse au lit

    Ma boule

    Ma sais faire gusse on

    Mon thé verdi

    Mon thé négro

    Mon thé plus haut

    Mon calme

    Mes mers

    Mes rites agricoles

    Ma saillie

    Mon trait d'esprit

    Mes mots risées

    Mes cris tus

    Mes tresses de mots

    Mes sages d'amour

    Mes lits fluents

    Mon Saint-Michel

    Ma mère Noël

    Mes langes tout

     

    Memnon


  •  

    Partir aller à la dérive

    A qui la corde sans cible

    S'attacher à qui à quoi

    S'en détacher s'en balancer au bout

    Dénouer du nous le nœud

    Dépasser l'avenir leurre le refus

    L'heureux fus

    Des illusions bénies dénis

    C'était tentant tant attendu

    Ai-je bien entendu

    Pris et repris d'injustice

    J'ai cru si fier j'ai décru recru déçu

    La couronne était épineuse

    L'avenir est à inventer


  •  

    Pas tombé pas couché

    Pas tombé fors mon cœur faible

    Pas couché sauf sur le papier les mots,

    L'émail, l'émotion

    Je m'aventure là où je n'ai pas pied

    C'est mouvant

     

    Le bond l'élan l'amanture

    Mais elles préfèrent la devanture

    Et sautent vers l'arrière

    Le retour à la case je perds

     

    Vous m'avez perdu

    Vous auriez pu, vous auriez dû

    Vous retournez à vos chaînes

    Fallait-il dé-libérer 

    Un arrêt pour le plein des sens

    En toute décence

    Capter de la vie l'essence

    Trop de prudence nuit

    Ignore l'or

    Endors l'art

    Adore l'artifice

    Vides regrets


  • Infâme des femmes un blâme à blêmir

    Des problèmes à vomir à venir

    Avenir à souffrir à sourire

    Diffame dis femme qu'a l'homme nié

    L'abattre l'étendre tendre au tendre serrés ses rets

    Le faire choir du perchoir

    Le con sidérable

    L'amarre c'est le serre dents

    L'amer du plongeon

    L'écho niais cogner conne y est

    L'atterrer jusqu'au chaos

    Compter jusqu'à la relève

    La relève élève révèle la vérité à révérer

    La vérité laver l'honneur

    Se dé-tacher par la tâche de l'attache

    La tache ment décide et démens les déments

    Laidement menteurs hélant l'aimant élémentaire

    Passer à l'attaque- défonce éclaircir

    Rendre des rouges pour des bleus camaïeu

    Ou verts de boue, être debout

    Des lassos pour les salauds, échafauds pour les fachos

    Serrer les nœuds aux haineux

    A mon tour

    J'étouffais J'ai tout fait

    Vivre libre vibre au livre plutôt qu'au masseur

    Je livre au livre je délivre des lèvres mes délires

    Lire écrire c'est crier






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