• L'amour est rosse (ou Hante Éros)

    Au secours !

     

    Envoie-moi encore de tes mots assassins :

    Je sens mon âme retomber entre tes mains.

    - Ici j'aurais pu pour la rime choisir « seins »,

    Et écrire « moi qui mis émaux à ses seins »,

    Mais le ton voulu du pathético-tragique

    En eût souffert, j'en eusse encouru la critique.-

    Fais-moi, plize, une piqûre qui me rappelle

    À quel point celle qui m'aima tu n'es plus telle ;

    Dis-moi de nouveau que je suis sale vieux con,

    Misérable, grincheux, endetté, trop grognon,

    Traîne dans la boue mon amour-propre, fierté

    De vil lombric qui osa t'aimer déité.

    J'en appelle à la femme méchante que tu sais être :

    Sois gentille : dis-moi « T'es un con » en trois lettres.

    Je ne suis pas gai, pas guéri, pas guérissable,

    Je ne suis pagaie, mais je rame dans le sable

    De l'île désertée de ta présence vraie,

    Seul avec ma nostalgie, passé que je brais.

    Pourquoi ma chérie mis-tu fin au paradis ?

    Paradis tu le sais rime avec infini.

    C'était pourtant bien nous deux quand nous nous aimions,

    Quand je te manquais, je te disais « Ma Marion ».

    Tu avais laissé ta bourgeoisie au seuil

    De ce bel amour dont je dois faire le deuil ;

    Trop ébloui par tes sublimes qualités,

    Je ne pouvais percevoir tes infirmités.

    Nous vivions tous les deux dans le même cocon,

    Nous disions merde au monde de même qu'aux cons.

    Il faisait du soleil à chaque rendez-vous,

    J'aimais poser mes lèvres dans ton cou, partout.

    Je restreins mon souvenir à ce que la décence

    Permet ici. Nous nous sentions de même essence :

    L'esprit, l'âme le corps, c' était l'osmose parfaite

    Qui rend plus cruelle, amère, encore la défaite.

    Le torrent de larmes n’était plus catachrèse

    Hyperbolique. Tu refroidissais les braises.

    Te souviens-tu de nos délices, de nos lits,

    De nos délits, nos délires sans interdits.

    Je te revois, je nous revois, en l'Adam moi,

    En l'Eve toi. Enlève tout sans foi ni loi,

    Loi laide et pesante comme Anastasie,

    Qui nuit aux jours bénis des nus amants unis.

    … Il me faut chasser ces images de ma tête :

    Je risque de te raimer, toi qui fus ma fête.

    Alors, pitié, sois détestable ma chérie,

    Mon Amour, question de ma survie, ma sous-vie,

    De ma vie inassouvie si tu n'es plus là.

    Ma compagnie de moi à moi ne suffit pas.

    Et même si tu m'aimes encore dis-moi

    Que tu ne m'aimes plus, j'en ai autant pour toi.