• Aveuglantes Lumières (Régis Debray)

     

    Quand on le lit, on l'entend : ses interventions, trop rares, lors d'émissions de radio, font que son phrasé, sa voix douce et pleine de distance gentiment ironique, se retrouvent dans les mots, les rythmes des phrases, la façon d'avancer dans le raisonnement à l'écrit. On a donc la version papier, et surimposée la version audio simultanément. Cela tient au fait aussi que R.Debray écrit comme il parle, ou bien parle-t-il comme il écrit. Le sous-titre de l'ouvrage justifie en partie ce ton libre : « Journal en clair-obscur » ; « Journal » en effet, aussi parce qu'il s'appuie sur des événements contemporains de l'écriture comme planche d'appel pour de nouvelles réflexions. Il est un penseur génial, d'une culture vaste, et qu'il appelle à propos pour étayer ses démonstrations . Quant au « clair-obscur », il fait probablement référence au centrage sur le XVIIIe siècle français, et les débats, encore vifs en 2019-2020, concernant le bilan qu'il convient de tirer de cette période, dans ses répercussions. Et comme A.Finkielkraut, avec qui il se livre lors de « Répliques » pétillantes, à un sublime numéro de duettistes, il goûte la nuance, ni admirateur béatement idéologue, ni contempteur « anti-Lumières » déclaré, il fait la part des choses et propose une lecture mitigée, s'en prenant à ceux qui se réclament de l'héritage de Voltaire, sans bien le connaître.