• Cioran (so riant…) : Syllogismes de l'amertume

    Lecture décevante malgré un a priori positif avant de l 'entamer.

    Beaucoup de clichés, d'affirmations définitives, certaines tranchées, d'autres tellement nuancées que le sens finit par disparaître . On pourrait dire exactement le contraire avec le même ton péremptoire, ou remplacer un mot par un autre sans que la lecture n'en soit bouleversée. L'auteur donne l'illusion d'avoir un avis sur tout, une lucidité dont il nous fait cadeau, sur des phénomènes intimes ou cosmiques, géographiques, ou historiques, littéraires ou philosophiques. Des synthèses peu probantes, des relations causales ou consécutives arbitraires, où l'on constate le danger qu'il y a de procéder par raccourcis et à vouloir faire le brillant comme un petit marquis du XXe siècle. Des formules tellement mystérieuses qu'elle n'ont aucun sens : Cioran joue souvent sur la surprise en associant des mots dont la proximité paraît aléatoire, incongrue et artificiellement poétique : volontarisme du procédé surréaliste d'associations libres. Des hypothèses plus proches de l'élucubration imaginative que de l'observation rigoureuse, des paradoxes gratuits, des provocations faciles, iconoclasme convenu (régler ses comptes avec Dieu, quelle audace!). Un usage intempestif des italiques, des guillemets, des tirets, des majuscules, aveux d'approximation, des évidences présentées comme des trouvailles originales, géniales, décalées, comme on dit aujourd'hui. Des contre-vérités, de généralisations abusives et stéréotypées. Je pourrais illustrer chacun de ces reproches, je garde mes critiques illustrées pour les jours où je manquerai d'inspiration. Allez, un exemple parmi cent: « Qui, en pleine obscurité, se cherchant dans un miroir, n'y a vu projetés les crimes qui l' attendent ? » (p.138) Réponse ? Moi, et vous ? Je propose une variante : « Qui, un jour de soleil écrasant, cherchant la ligne de l'horizon, n'y a trouvé que la Mort en marche ?».

    N'est pas La Rochefoucauld, Chamfort, Char, qui veut.

    Cioran est à la philosophie ce que Prévert est à la poésie, Cadéo au roman : de vieux beaux qui se regardent faire la roue en attendant des applaudissements.

    Un autre pastiche : « L'Occident, depuis Colomb, est tombé dans le caniveau de ses doutes inexplorés . - Seuls la putain et Dieu connaissent ce privilège. »