• Cinq-Mars (Vigny)

    Un roman historique plaisant à lire, comme un Dumas, documenté mais inventif, proche de Balzac et d'Hugo, dans les techniques narratives. Une belle histoire d'amitié, une idylle tragique. En héros, un idéaliste perdu dans un monde médiocre, trahi par des opportunistes, prêt à mettre sa vie en jeu pour défendre une vision de la France aristocratique en train de se perdre, plus royaliste que le roi. Louis XIII est présenté ici comme vieillissant, sous emprise, malade ; Richelieu, lui, est tout aussi mal-portant, mais surtout haïssable, cruel, démoniaque.

    Le parti-pris de Vigny, qu'il explicite dans sa préface, se traduit par la manière dont il campe, dont il fait parler et penser ses personnages. Secrets, complots, espoirs, menaces, alliances, politique où les problèmes se résolvent dans le sang. Le roman suscite aussi des questions en cours de lecture : est-ce l'amour qui rend courageux ? L'aide de l'étranger peut-elle être requise quand est remise en question l'essence du régime auquel on croit ? Hugo reprendra cette thématique dans 93 pour faire du marquis de Lantenac un personnage de la traîtrise. Ces deux romans ont bien des points communs : scènes de cachots, d'héroïsme, espoirs suscités chez le lecteur, vision tragique de l'histoire, narration au service de conceptions idéologiques, avec, dans les deux cas, des qualités d'écriture, et d'invention, qui ne cantonnent pas ces ouvrages à n'être que des romans à thèse. Mais leur moindre mérite n'est pas qu'ils font réfléchir...