• Carmen m'a bisé, elle ailée anorexie,

    Eleanor exit aux joueurs de Rigby.


  • - Dis, ma chérie, - Oui ma chérie, - Pour ta Noëlle,

    Ça te dit un gosse ? - Un gosse? répondit-elle.


  • Pourquoi Tesson Sylvain est-il grand écrivain ?

    Tout au sommet de mes critères l'écriture,

    J'aime de la voix de Tesson la tessiture,

    Il a le sens du verbe le divin Sylvain.

     

    Son titre : Une très légère oscillation

    Est déjà plein de poésie et de douceur ;

    Il lance les mots et les maîtrise en jongleur,

    Fait avec bonheur de l'impression l'expression.

     

    Sa personne transpire de son verbe alerte,

    Il la met au service d'une pensée verte ;

    J'aime aussi ses saines idées qui sont les miennes.

     

    Bêtise du culte de la modernité,

    Amour pour l'art, pour la nature et la beauté,

    C'est un exercice de salutaire hygiène.


  • Vous voulez vos vœux, veules vivants verbeux?

    Mutez en muets, minimisez mots merdeux.


  • L’énigme des premières phrases, Laurent Nunez

    Je découvre, grâce à mon fils qui, de Kaboul, m'envoya ce livre pour mon anniversaire, une collection de chez Grasset, nommée « le courage », très bien conçue, agréable dans sa présentation, sa typographie, son aération. Une réserve cependant, page 34, une faute sur une citation fameuse d'Hugo dans la préface des Contemplations: « Ah ! Insensé qui crois ... » (et non « qui croit »). Je m'interroge aussi sur ces mots à propos des Confessions de Rousseau : « Il avouera ses mensonges (le peigne cassé) » : ou M.Nunez pense que c'est le petit Jean-Jacques qui a commis le forfait, ce qui révélerait un antirousseauisme que je déplore, ou il confond avec l'épisode du vol du ruban, autre passage fort du début de cette autobiographie).

    Ce volume contient son projet dans son titre ; choisir les premiers mots d'ouvrages littéraires et aller à leur rencontre en considérant leur contenu comme une énigme, et, à partir d'indices objectifs, formuler des hypothèses ou des certitudes, dans la mesure où la connaissance de l’œuvre et de l'auteur les autorise. M.Nunez a aussi ses goûts et rejets, qui donnent à ses considérations un tour personnel sympathique : la littérature est affaire -aussi, surtout- de perception. Son style n'est ni pédant ni familier, et n'est pas nombriliste quand il prend un tour personnel, c'est le ton de la conversation.

    Sa démarche n'est pas originale en elle-même, je la pratique souvent en tant que « professeur de Lettres » (oxymore?) ; les élèves de Première et les étudiants la connaissent aussi, familiers qu'ils sont devenus des « incipit ». Je recommande à ceux qui restent muets face à un texte cette lecture, dont la dynamique est inspirante : les analyses proposées sont fines, intelligentes, documentées, convaincantes le plus souvent, au risque de la surinterprétation, risque évoqué dans une note p.193, où l'auteur revient sur la première phrase d'un roman durassique (dont l'analyse lui donnerait presque de l'intérêt): « Est-ce que je surinterprète ? Possible. Mais c'est Gide qui me l'a appris : « Oui, je tire à moi quelque peu, le sens des mots ; je l'avoue. Mais laissez donc ! L’œuvre d'art a ceci de délicieux qu 'elle nous présente toujours plus de signifiance que n'en imaginait l'auteur ; elle permet sans cesse une interprétation plus nourrie » (Fragments du traité des Dioscures). »

    M.Nunez a choisi de porter en épigraphe une citation de Mallarmé, gage favorable !

    Les œuvres choisies sont variées (genres littéraires, siècles), elles sont classées par ordre chronologique (du XVIIe au bord du XXIe), chaque extrait fait l'objet d'une analyse de 5 à 20 pages. Les références sont classiques pour la plupart, ce qui relève encore le mérite de l'exégète : il y a toujours quelque chose à trouver pour l'enquêteur qui retourne sur les lieux du crime. Deux titres cependant n'ont pas eu l'honneur de la reconnaissance posthume à long terme : Nêne, de Pérochon, malgré son prix Goncourt de 1920, et Les Vrais Riches, recueil de nouvelles de Coppée, qui fut pourtant considéré en son temps. Et je ne connaissais pas le dernier titre cité : Louis-René des Forêts, roman, de Jean-Benoît Puech.

    Quelques citations :

    - p.45, à propos d'un premier vers baudelairien :

    « La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse »,

    « Paul Valéry n'avait pas tort, affirmant que ce premier vers contenait, « dans ses douze syllabes, tout un roman de Balzac ».

    Et j'ajoute : Paz définissait la poésie par sa capacité à la concision, qu'il opposait au roman, adepte de l'étalement de la matière.

    - p.59, à propos de la première phrase de Bouvard et Pécuchet, M.Nunez cite cette affirmation de l'immense Flaubert : « J'écris de manière à ce que le lecteur ne sache jamais si on se fout de lui ou non. »

    - p. 79, le livre faible de Coppée lui permet de citer cette phrase de l'Apocalypse, que je reprends volontiers à mon compte (ceux qui me connaissent et mes lecteurs, comprendront pourquoi) : « Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. »

    -p.80, toujours à partir de ce même ouvrage, il reprend cette formule magnifique de Renard :

    « Qu'est-ce qu'un poète dont la lecture ne nous augmente pas ? »

    À méditer par tous les thuriféraires de « l'homme augmenté »...