• Comme dans toutes ses œuvres, Hugo fait montre de son érudition précise et variée. Il cite souvent ses sources, ou joue allusivement avec les connaissances des lecteurs.

    Quand les références sont historiques, elles cautionnent la véracité du récit ou, à tout le moins, sa vraisemblance, outre l'apport de connaissances sèches qu'elles apportent. L'auteur de l'introduction du Livre de Poche consacre un log développement aux sources utilisées par Hugo, en particulier Sauval, dont nous trouvons le nom à plusieurs reprises au cours du roman. Je vous y renvoie donc.

    Les détails architecturaux abondent, la vie sociale parisienne du XVe siècle est abordée à différents moments selon le lien narratif, depuis le peuple des gueux, jusqu'au au roi Louis XI, en passant par la bourgeoisie, le clergé, incarnées par des personnages dont les activités ou les préoccupations sont mentionnées. Les coutumes ou les mœurs sont également décrites, comme la tradition de l'asile (IX 2). Hugo dépasse le statut d'historien spécialiste de la période considérée pour proposer des comparaisons d'époques, ou un historique large de tel ou tel aspect : « Si nous n'étions pas au XVe siècle, nous dirions que Gringoire était descendu de Michel-Ange à Callot. » (p.162). Il établit de cette manière des sortes de lois (p.88 : « ce qui prouve cette vérité éternelle et tous les jours encore éprouvée dans nos théâtres, que... ») ou au contraire souligne les différences d'une époque à une autre, par exemple sur l'évolution de la torture (à la fin de II2) , ou sur la ville de Paris qui « n'a donc aucune physionomie générale. » (p.226). Le point de vue adopté est parfois particulièrement large, notamment quand il procède à une histoire des civilisations (p.283), à la manière de Montesquieu ou de Staël, ou de lui-même dans la préface de Cromwell. Il propose une thèse qu'il développe à propos de l'importance de l'invention de l'imprimerie : « Ceci tuera cela », ie le livre a tué l'architecture (p.295). Un des moyens de ne pas paraître trop lourd, comme dans un cours ou une conférence est de glisser des informations dans la bouche des personnages, même si la justification des propos prêtés paraît faible (p. 593-594 entre nombreux exemples). On trouve également des allusions à son époque sous forme de prophéties, ou de clins d’œil, concernant la Bastille (p.518-519), ou la révolution de juillet (p.669)

    Les références littéraires sont également variées et nombreuses. Voltaire est cité comme historien du règne de Louis XIV (p.224). On pense évidemment à Rabelais dont Hugo imite parfois le style, en particulier lors des scènes collectives ou avinées dans les tavernes. Échanges verbaux pleins de verve, avec une restitution de vocabulaire ou d'expressions (notamment p.308) dignes du maître. Hugo cite son nom au moins à deux reprises : p.95 et p.565. Le romancier du XIXe siècle semble prendre plaisir à écrire des passages en Moyen Français (p. 93, 95, des chansons populaires,…). Hugo cite également Dante et sa Divine Comédie en sous-titrant VIII4 par le fameux « Lasciate ogni speranza », que Levi reprendra logiquement aussi deux siècles plus tard. Le siècle classique français est également présent avec plusieurs références à La Fontaine dont Hugo cite des vers quand ils lui paraissent bien correspondre à la situation qu'il décrit (p.96, p.152, p.481). Quand Boileau est mentionné, c'est pour le comparer au sympathique et débridé Gringoire (p.179).

    Ces mentions sont explicites. Un lecteur possédant une certaine culture littéraire ne manquera pas, au détour de tel ou tel passage, de voir arriver à son esprit des proximités avec des textes littéraires célèbres : on sait par exemple que l'occultisme a beaucoup intéressé Balzac (La recherche de l'absolu : par certains aspects Claude Frollo ressemble à Balthazar Claës ) ou Nerval (Les Illuminés où il est question également de Nicolas Flamel). La surdité du juge rappelle celle de Brid'oison dans Le Mariage de Figaro (VI1), ce personnage de valet ingénieux et insolent étant explicitement mentionné p.616. Des situations sont proches de scènes du Médecin malgré lui (p.613), et faire interpeller un personnage « Maître Jacques » n'est probablement sans intention amusée. Un parallèle plus iconoclaste est proposé entre Quasimodo et le Christ : tous deux, l'un sur la croix, l'autre au pilori, réclament à boire. On se souvient ici du « Sitio » glissé par Rabelais dans « Les propos des bien ivres ».

    Des références philosophiques sont également présentes : Leibniz, Hobbes (p.247, 249), et la grande interrogation sur le destin, spécifiquement en III4, et bien sûr à propos de l'intégralité du roman : comment se constituent les aléas d'une vie ?

    Le roman intègre presque nécessairement ces données, et l'imagination hugolienne, jointe à sa vision du monde et de chaque existence, trouve ici matière à susciter la réflexion du lecteur.


  • Hier au soir l'orage doux et irisé

    Diffusait sa lumière déréalisée.

    Lire la suite...


  • À la porte du bonheur vainement je sonne...

    De l'autre côté de l'huis n'y a-t-il personne?


  • Hugo aime les calembours. Il en use, et ne peut y résister. En voici quelques-uns relevés dans ce roman pourtant tragique, mais l'on connaît aussi sa volonté d'allier le sublime au grotesque, puisque la vie en est constituée.

    Façon de présenter des événements anecdotiques, qui prennent leur saveur dans la manière souriante de les présenter, avec bien sûr la création en même temps d'une complicité allusive avec le lecteur : Gringoire voudrait bien honorer d'une pièce la prestation d'Esméralda :

    « S'il avait eu le Pérou dans sa poche, certainement il l'eût donné à la danseuse ; mais Gringoire n'avait pas le Pérou, et d'ailleurs l'Amérique n'était pas encore découverte. » (p.137)

    Parfois, on se demande si le romancier ne crée pas des situations dans le seul but de glisser des astuces verbales : il s'agit de ne pas se faire prendre lors d'une épreuve imposée digne de Fort-Boyard : « - Oh ! Disait-il [Gringoire toujours] tout bas, est-il possible que ma vie dépende de la moindre des vibrations du moindre de ces grelots ? Oh ! Ajoutait-il les mains jointes, sonnettes, ne sonnez pas ! clochettes, ne clochez pas ! grelots, ne grelottez pas ! » (p.172). En inventant ce personnage, Hugo s'est donné la possibilité de s'amuser tant la verve qu'il lui prête est inventive et sympathique : ainsi, une page plus haut, à propos de l'équilibre instable d' «un vieil escabeau chancelant » : «  Votre escabelle boite comme un distique de Martial ; elle a un pied hexamètre et un pied pentamètre. » Il faut être initié …

    Plus facile est la plaisanterie connue, surtout par ceux qui fréquentes les cités balnéaires : « J'aime fort l'abricotier qui est sculpté sur la porte avec ce jeu de mots, qui est plaisant : À L'ABRI-COTIER. » (p.269) Même Claude Frollo aurait le sens de l'humour ? Il est vrai qu'ici le niveau n'est guère relevé.

    Ce peut être une situation dialoguée qui, par l'esprit de répartie, volontaire ou non, permette à l'auteur de faire sourire : ainsi lors d'un entretien entre Frollo et Gringoire, toujours lui, le premier s'inquiétant des relations maritales entre le poète et Esméralda, lui demande :« - Et tu me jures que tu ne lui as pas touché ?- À qui ? dit Gringoire ; à la chèvre ? » (p.384) (il faudrait relire tout le passage, Hugo avait préparé son coup!)

    Il arrive même que le lecteur se demande si l'auteur a glissé une astuce délibérément, ou si ce n'est pas lui qui l'a trouvée, indépendamment de la volonté auctoriale : à propos de la chèvre Djali et de sa maîtresse, dans la bouche d'une spectatrice : « - Eh mais… c'est ma vilaine bête, dit la vieille Falourdel, et je les reconnais bellement [c'est moi qui souligne] toutes deux ! ».Dans le passage c'est la situation elle-même qui prête à sourire : « Jacques Charmolue intervint. - S'il plaît à messieurs, nous procéderons à l'interrogatoire de la chèvre. » (p. 407)

    Grande variété donc dans les registres comiques, qui installent avec le lecteur une complicité certaine. Nous aborderons prochainement, en prolongement, les allusions culturelles qu'Hugo distribue dans son roman et qui procèdent autant d'un savoir propre à un auteur savant que de son souci de jouer avec un lecteur associé à lui par les références communes.


  • À couleur pastel

    À quelle heure passe-t-elle?

    Le vert est tendre

    L'hiver attendre

    Le sombre délicieux

    Du reflet de ses yeux

    Le rose est charmant

    De son corps manquant

    Jaune pâle est le soleil

    Mais où est ma merveille

    Doux les toits et les blés

    Cœur vide à combler

    Les teintes ni les atteintes ne s'effacent

    Il ne se peut que l'art mon aimée remplace