• Parmi les satisfactions que la lecture de bons livres apporte, outre la découverte de nouvelles perspectives, l'invitation à la réflexion, il y a celle de voir exprimés clairement des sentiments, des opinions, des remarques que l'on s'est faits, et dont l'évidence, l'impression d'être compris, la certitude de n'être pas le seul à ressentir ou à regarder le monde, les autres et soi de cette manière, donc d'avoir par-delà les pages, des frères d'expérience. Cette proximité provoque alors un petit sourire de contentement: nous sommes en pays de connaissance et nous nous disons: c'est exactement cela, c'est ainsi que je vois, ou vis. 

    Ainsi ai-je connu une nouvelle fois quelques secondes heureuses en lisant Dans les forêts de Sibérie du bien nommé Sylvain Tesson, beau journal de bord, sensible, intelligent, bien écrit, parmi de nombreuses méditations, sentences, interrogations, les lignes suivantes:

    "L'ennui ne me fait aucune peur. Il y a une morsure plus douloureuse: le chagrin de ne pas partager avec un être aimé la beauté des moments vécus. La solitude: ce que les autres perdent à n'être pas auprès de celui qui l'éprouve." p.109 (sang neuf...)

     


  • Volupté rare d'être traité de connard…

    Faire sortir de ses gonds, a souffert la porte,

    Le pauvre garçon, grand plaisir cela m'apporte…

    Un sourire ironique, un calculé regard…

     

    Les mots qu'il faut, le ton qu'il faut, du très grand art….

    Peu à peu la tension monte, toujours plus forte.

    Je le tiens dans mes rets, sa colère conforte

    Ma satisfaction de voir s'empourprer son fard.

     

    Il m'accuse aussi de ses propres turpitudes ,

    Transparaît ainsi au vice son aptitude :

     La loi de la  narcissique perversité.

     

    Que connaît-il de la pureté de l'Amour,

    Lui pour qui la femme c'est trou et chair autour ?

    Joie d'être  par cet antipathique insulté !


  • Homme, j'ai tout d'une femme, … enfin quasiment :

    Certes, je suis un père, non une maman,

    Mais je cuisine, repasse, fais le ménage,

    Et les courses, la lessive, le nettoyage,

    Je change les couches, vais chercher les petits

    A l'école, à leurs activités les conduit.

    Jamais n'est satisfaite mon épouse conjointe,

    Ses vexations à son hostilité sont jointes.

    Ce n'est pas avoir retrouvé le célibat

    Qui m'a fait oublier que je suis une nana :

    Quand je suis triste je pleure et mes larmes coulent,

    Ma sensibilité comme un sucre se moule,

    Fond après avoir touché les parois de l'être.

    J'aime la paix, la douceur, les câlins, les lettres…

    Une femme disais-je, … mais pas complètement :

    Il me manque l'émotion de l'enfantement,

    Sentir grandir en soi autre vie que la sienne,

    Attendre que le petit coup de pied revienne,

    Porter l'enfant, lui parler au ventre arrondi,

    L'aimer avant que de le voir, le cœur ébloui.

    Ce bonheur en moins ce qu'en plus j'ai ne compense :

    Attribut masculin, membre viril, qu'on pense,

    Quand on est par le bestial coït obsédé,

    Le premier instrument de la virilité…

    Quant à moi, si je ne nie pas de ce plaisir

    La vérité, quand mon corps au tien j'aime unir,

    J'y vois la célébration charnelle, osmotique,

    De nos âmes fusionnant en même érotique :

    Je te donne mon corps sexué masculin,

    En même temps c'est mon âme que tu atteins.


  • Ah la la que de féministes en ce huit mars,

    Pour nous qui sommes de Jupiter ou de Mars !

    Il vaut mieux ne pas ouvrir son journal : les nouvelles

    Sont un rabâchage de certaines d'entre elles,

    Qui rendraient misogynes tous les donjuans,

    Ou l'amoureux que je suis qui aime pourtant,

    Les femmes parce que sont femmes pour les uns...

    Cette femme-là pour la douceur de son parfum,

    Pour la beauté du corps, l'élégance du geste…

    Même après l'abandon triste, d'elle il me reste

    Des images, des souvenirs, présence absente,

    De celle qui fut quelques moments mon amante.


  • Serge Albine je vous imagine tous deux

    En Paradou vous aimant en toute innocence,

    Comment concevoir une quelconque indécence :

    Tout vous disait de vous aimer, c'était heureux.

     

    Vous belle jeune fille, vous le religieux,

    Dans ce nouvel Éden à l'écart, parc immense,

    Vous connûtes comme une nouvelle naissance,

    Sans vivre la honte de vous sentir honteux.

     

    Votre cœur vous guidait, vos corps, vos sens, et l'âme

    De l'un à l'âme de l'autre se confiait ;

    Votre pur amour aurait dû rester secret,

    Mais souvent la perfection voisine le drame.

     

    On ne choisit pas toujours de ses jours la trame,

    L'intense bonheur passe et nourrit le regret :

    Le beau Serge est redevenu l'abbé Mouret.

    Albine jamais n'entendra l'épithalame.